THE MASSIVE T.3 de BRIAN WOOD et GARRY BROWN
 

Brian Wood est un gars qui t'invite souvent à des fêtes. Il te promet un buffet somptueux, une playlist audacieuse, des convives joviaux, de belles perspectives de réjouissances.Quand tu arrives chez lui, il n'y a pas grand monde. Tu prends une bière dans le frigo et tu t'assois sur le canapé en soulignant avec le pied le léger tempo de la musique lounge qui suinte de quelque part et tu attends que les autres arrivent et que ça commence. L'appart et l'ambiance sont agréables, ça va être une belle fête.En fait ça ne commence jamais vraiment et tu vas rester longtemps tout seul sur ton canapé.

Comme je suis borné j'ai lu le tome 3 de The Massive qui est paru il y a peu, édité en France par Panini. Comme d'habitude avec Brian Wood il y a du bon et du mauvais. Je ne vois toujours pas trop où il veut en venir, ni qui peut se satisfaire de demi-histoires de ce genre, mais quelques rêveries et réflexions surnagent, ainsi que de toujours très bonnes séquences tactiques... Ah oui, il y en a tout de même une qui est moyennement réussie. C'est un flash-back d'avant le cataclysme, qui se passe à Paris, à l'Aéroport Charles De Gaulle. Mag et Georg, deux mercenaires, semblent devoir exécuter un homme dans les toilettes. Juste avant de passer à l'acte, Mag reçoit un ordre d'abandon de la mission sur son oreillette, il quitte alors promptement les lieux, abandonnant son arme et son comparse. Des troupes d'assaut investissent alors les lieux.

Deux grosses invraisemblances dans cette planche :•  Mag sort tranquillement devant les forces de l'ordre qui le laissent passer.• Alors qu'il y a des mouvements de troupe et des coups de feu, Mag est le seul à se retourner. Les autres voyageurs continuent tranquillement à rêvasser à ce qu'ils vont bien pouvoir acheter au duty free.Moi je comprends pas comment un dessinateur peut faire un truc pareil, ni comment un éditeur peut lui dire c'est bon mon coco on publie.Sinon les couvertures de John Paul Leon sont toujours aussi bonnes et justifieraient presque à elles seules l'achat de la série.The Massive T.3, Drakkar, de Brian Wood et Garry Brown, Panini, 144 p. couleurs, 14,95 €. code EAN : 9782809439700. Pas encore vu en occasion dans nos échoppes.

 
FANTASTIK n°10
 

Éditions Campus, juillet 1984

Dans ce numéro on trouve comme à l'accoutumée de nombreuses planches intéressantes : du Trillo et Mandrafina inédit en album (du moins il me semble), du Luis Bermejo au magnifique dessin charbonneux, du Dick Matena assez en forme, du Milazzo en bichromie noire et bleue (très efficace, on rêve d'un album entier avec ce procédé et ce bleu là, beaucoup plus contrasté et utile que celui de Igort dans 5 est le numéro parfait), du Alex Toth splendide, du Wrightson...

Surtout il y a la couverture, signée Fabá, où je reconnais sans gloire la source photographique. L'artiste espagnol s'est inspiré d'une photo de tournage de Magnum Force, la seconde aventure de l'inspecteur Harry Callahan, que réalisa Ted Post en 1973 sur un scénario de John Milius.

Ceci me permet de glisser que le rayon des revues est particulièrement bien fourni, et bien rangé en ce moment. Outre Fantastik et Ère comprimée des éditions Campus, on trouve aussi de nombreux  Métal Hurlant, des Échos des savanes première et deuxième période et des Spécial USA sous leurs différents avatars. Tout ceci est entre 4 et 6 euros en général, sauf numéros exceptionnels.

 
TONY STARK DE AIDANS
 

Récurrence de la figure eastwoodienne, annexe 13.

Ça commence comme un western spaghetti.On y trouve des personnages qui ont la tronche de Eastwood, Van Cleef, Bronson et peut-être même John Wayne et Kirk Douglas, mais c'est moins convaincant. Au bout de quelques planches on se rend compte que c'est en fait le tournage d'un film qui est brusquement interrompu par l'action surgissant dans la réalité. C'est le début des Voleurs de nuages, la quatrième aventure de Tony Stark, publiée en 1981. Oui, mettons les choses au clair immédiatement, il ne s'agit pas du moustachu, richissime fabricant et vendeur d'armes créé par Stan Lee en 1963, mais d'un autre moustachu étatsunien, qui lui se contente d'être une sorte de rancher de l'Ouest, écrivain de romans et homme d'action. Ce Tony Stark-là fut créé par Aidans (le dessinateur, entre autres de Tounga) et par Jean Van Hamme, en 1979 pour la revue Super As. Notons au passage que Van Hamme volait à peu près à la même époque le nom de Gandalf à Tolkien pour le fourrer dans Thorgal.

Voici donc à nouveau Eastwood (pour ceux qui ne suivent pas ce blog depuis des éons, vous pouvez sélectionner "Clint Eastwood" dans le menu déroulant des catégories dans la colonne de droite et vous verrez dans quel contexte s'inscrit cette présente note) . Cette fois-ci il est moqué, puisque l'acteur prête ses traits à un personnage acteur également, qui, s'il joue de féroces pistoleros, est dans la réalité un couard s'évanouissant face au danger. Cette irrévérence, quoique pataude, est sufisamment rare pour être référencée.

Sinon l'histoire, une variation bonhomme de SOS Météores dans le Grand Ouest, se lit sans intérêt réel ni déplaisir outrageant. Beaucoup de chevaux seront morts à la fin de la lecture, mais aucune patte de canard. Reste que le papier mat ivoire des éditions Hachette BD de l'époque est toujours un régal, car il offre un écrin velouté à ces oranges rosés qu'on ne retrouve plus de nos jours.

Tony Stark, régulièrement trouvable dans nos librairies, entre 7 et 15€ en fonction de l'état et des titres.

 
COMICS REVUE
 

Nous venons malencontreusement de mettre en pochette -puis en rayon rue Serpente-  une bonne centaine de numéros du magazine comics revue. Outre la douleur que ça a occasionné à nos poignets, nous en sommes contrit car cette revue ne révèle sa réelle valeur qu'au feuilleteur curieux qui osera fourrer son nez entre ses pages.

Comics revue est un magazine indépendant américain incroyable à bien des abords. Publié deux fois par mois depuis des décennies, il atteint puis dépasse radicalement son 300e numéro en 2014! Piochant autant dans les 30's que dans les années 70 ou les années 50, la revue se fait fort de republier de nombreux grands classiques d'époques visiblement très variées: Tarzan, Gazoline Alley, Flash Gordon, Little Orphan Annie, Krazy Kat (1934!), The Phantom, Alley Ooop... Mais aussi les tortues ninjas ou Judge Dread! Une grosse sélection d'immanquables dans leur langue d'origine, l'anglais, que vous pouvez retrouver un peu plus en détail sur leur site web. Un petit coup d'œil sur leurs listes vous permettra d'ailleurs de noter l'apparition de Bill Waterson, Charles Schulz, Jack Kirby, Vaugh Bode ou même surprenamment Todd McFarlane dans les pages du 'zine.

Toutes les séries qui cohabitent dans cette revue étaient à l'origine publiées en strips dans la presse. Comics revue est donc majoritairement en noir et blanc et poursuit ce découpage généralement horizontal.

Pour bien présenter tout ça, nous avons accolé un nouveau carton à coté de notre petit rayon Comics in english rempli des Comics revue #174 à #280. Ils sont à 3€ chacun, sauf le numéro 200, qui semble un peu spécial.

 
BAGGI : TRAVAUX ET L'AFFAIRE LORETTA STEVENS
 

Les univers cannibales

À propos de Travaux et de L’affaire Loretta Stevens de Alessandro Baggi.

Alessandro Baggi ne compte guère à son actif qu’une poignée de Dylan Dog et d’albums divers qui n’ont soulevé l’enthousiasme ni en France, ni de l’autre côté des Alpes. L’auteur a pourtant quelques qualités à faire valoir, notamment son dessin soigné. Quand son style ne revisite pas le comics ou l’école française moderne, il s’appuie sur le classicisme italo-argentin, tendance Alberto Breccia ou Dino Battaglia, selon les besoins de l’intrigue. Malgré le faisceau de références qui convergent dans son dessin, le travail de Baggi n’a rien d’un fourre-tout, car l’auteur se réapproprie la technique du patchwork ou du photomontage cher aux surréalistes italiens. Travaux ou L’affaire Loretta Stevens sont en outre hanté par la présence de Buzzati, Lovecraft… ou Steve Gerber (Howard the Duck). Baggi recompose à chaque fois un récit onirique qui glisse immanquablement vers l’horreur la plus noire.

Le héros de Baggi est toujours inaccompli. Sa peur puise son origine dans la certitude qu’il n’y a pas d’issue. Quoi qu’il fasse, il est d’ors et déjà condamné à revenir à l’état primal ; à être happé et ensuite digéré dans quelque chose d’utérin et à la fois intestinal… pour l’éternité.

Les tentatives de Baggi, en dépit de leur manque de reconnaissance, prouvent qu’une bande dessinée transalpine affranchie des canons des fumetti et des récits prattiens existe bel et bien. Nos boutiques proposent chacun de ces deux titres à 9 euros (au lieu de 13).

 
DÉDICACE KEMLÖ
 

Nous venons de recevoir  notre petit arrivage de Kemlö, une bande dessinée deMichel Conversin éditée chez Mosquito.  Les aaapoumiens de la rue Dante vous en parleront avec passion et moult détails mercredi 2 juillet car l'auteur prendra place dans la petite échoppe pour une séance de dédicace aussi conviviale que puisse le permettre l'espace modéré de la boutique. Idéal pour un rapprochement des corps et des âmes, de 17h30 à 20h00.Si le titre vous intrigue, n'hésitez pas à appeler PYMS, son amateur officiel au numéro de la boutique. (01 43 25 09 37)

 
LES GARÇONS DU TRAIN
 

Parce que oui, ils sont plusieurs!

Densha Otoko, l'homme du train en japonais, est un conte urbain moderne dérivé d'une histoire vraie. Une histoire des années 2000 qui résume bien la romance contemporaine nippone en lui créant au passage un nouveau canon.

Le personnage principal est un otaku quelconque, correspondant si on en croit toutes les adaptations au fabuleux cliché habituel de la banalité. Pour combler ses mornes journées  de fanboy il zone sur 2 channel, un forum japonais crée en 1999 précurseur notable du célèbre et non moins peu recommandable 4chan. Incapable de se prendre en main et encore moins de côtoyer la gente féminine, ce garçon se mêlera toutefois impulsivement à une altercation verbale qui dégénère sous ses yeux. Dans un train bien entendu, ce qui déterminera son pseudo internet pour tout le reste de l'histoire et lui permettra de devenir à la fois iconique et fantasmé sous couvert d'anonymat. À l'aide des ses e-amis il tentera d'affronter ses blocages psychologiques en recontactant la jeune femme qu'il a précédemment sauvé. En la courtisant, il s'érigera lentement en être humain, sortant de sa dégradante condition d'otaku pour enfin, de ses propres mains, atteindre le statut d'Homme.

Une histoire comme on a l'impression de l'avoir entendue mille fois. C'est normal, c'est bien cette histoire ci que nous avons entendu mille fois. En 2005, le densha otoko était sur toutes les lèvres. Sites web dediés, drama, film, livre, manga, à tel point que certains préfaciers français perspicaces se demandent si l'histoire supposément vraie utilisée à la base ne pourrait être qu'un habile coup marketing, un buzz launcher précoce, une mystification à but commercial bien préparée. Il est vrai que personne ne connait l'identité des protagonistes de cette aventure, internet oblige.

Sans savoir ni avoir vécu tout ça, j'ai longtemps été intrigué par le fait que deux éditeurs français (Kurokawa et Taïfu) aient pu publier de trois façons différentes cette même histoire. Trois dérivés de la même histoire, trois séries complètes en trois tomes chacune dans un paysage éditorial ou la nouveauté et la différence fait tout. Quelle ne fut pas ma surprise en découvrant que ces histoires avaient toutes été publiées la même année au japon! Vous à qui je viens tout juste de parler de la ferveur densha otoko, vous ne cillerez même pas. Mais si on excepte l'engouement japonais pour se replacer dans le prisme d'un lecteur français lambda qui pénètre un rayon bien fourni de librairie, ça fait bizarre.

La première mouture éditée en France est de Hidenori Hara, l'excellent auteur de Gokudo girl et de Regatta.La seconde de Wataru Watanabe, "d'après l'oeuvre originale de Hitori Nakano" et la troisième de Daisuke Dôke sur un scénario du même Hitori Nakano. Étonnant. Et encore bien plus quand on sait qu'il a aussi scénarisé un one shot inédit en France, sur le même sujet, la même année. Ça ne fait pas un peu beaucoup?

Mais non, car ce Hitori Nakano n'existe pas. C'est un pseudonyme, forgé à partir du terme Naka no Hitori , en gros "l'un d'entre eux", englobant tous les utilisateurs de forums tels que 2chan. Il est logiquement utilisé pour personnaliser le garçon du train, dont l'identité est toujours secrète.

Les trois séries sont en arrêt de commercialisation. La hype n'aura pas duré longtemps par içi. La flamme vacillante de l'amour d'un otaku dans un train n'est elle vouée qu'à s’éteindre? Relançons la machine: à l'occasion de l'arrivée des trois séries complètes en rayon rue serpente, j'ai pu me faire une petite idée sur le contenu des différentes éditions. Peut-être cela vous aidera-t-il à opter pour une version plutôt qu'une autre.

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Densha Otoko, l'homme du train

Hidenori Hara, kurokawa;3 tomes série complète, 20€

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Cette version est la plus adulte de toutes. Je l'ai même vu classée en seinen quelque part. Elle choisi d’ailleurs de garder comme titre densha otoko alors que Taïfu préfèrera traduire en français, travestissant au passage l'homme en garçon. Ça veut tout dire.

L'histoire glisse subtilement du récit d'un gros lourd qui se fait des films à un entrechat de sentiments propulsé avec finesse. Le point fort de ce titre réside dans cette finesse et une justesse qui s’avérera nostalgique ou tendrement rêveuse selon votre propre expérience de la chose.  D'ailleurs dessin et scénario s'en partageant le mérite à parts égales.

Un internaute au sein du manga fait durant l'une des péripéties sentimentales du héros une réflexion extrêmement pertinente: il se remémore ces magnifiques moments de tension amoureuse liés à la découverte de l'autre, à son approche et son apprivoisement. Toutes ces prémices, il les chérie et nous aussi.  Voila tout le sel, tout le piquant ainsi que toute la douceur et l'habileté de ce Densha otoko. Faire  vivre par procuration ou revivre ce frisson de l'idylle naissante. Le faire ressentir.

Même si Kurokawa ne tient pas toutes ses promesses en matière de post-face (elle en annonce une qui ne viendra jamais), celles-ci surprennent par leur pertinence et une analyse très probe. De même l'effort d'explication du vocable internet est fort louable, bien qu'incomplet. AFAIK, les noobs ne se feront donc pas mentalement kick/ban d'office du récit mais ça pourrait coincer sur certains détails.

Au final on pourrait très bien considérer que cette histoire, dans ce traitement précis, n'a pas besoin du schéma narratif que lui impose le background de la réalité. L'auteur arrive à faire voler ce je-ne-sais-quoi romantique totalement indispensable à tout flirt. Même l'humour est surjoué légèrement en dehors des canons du genre. C'est d'ailleurs la série au travail narratif et de découpage le plus marquant.

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Le garçon du train, moi aussi je pars à l'aventure

Wataru WatanabeTaïfu, 3 tomes, 20€

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Pourquoi toi aussi? Qui est parti à l'aventure avant toi? On peut le savoir? Non? Bon. Très bien.

Ha! Mais peut être que ce titre sous-entend que le protagoniste de l'histoire n'est pas le garçon du train originel mais un autre jeune homme, qui vit dans un univers ou cette histoire de densha otoko existe (celle dont je parle plus bas, par exemple) et qui répète le même schéma existentiel! Je n'ai absolument pas la patience de revenir à nouveau sur cette série en scrutant des indices de cette théorie alors je vais éviter de l'approfondir.

J'ai souligné précédemment la finesse de l'histoire décrite par Hidenori Hara. Comme prévu, cette version de Watanabe apparait bien plus pataude en comparaison. Il force le trait. Dans tous les sens du terme. Les réactions sont globalement plus adolescentes mais c'est normal, on sent que le public ciblé n'en n'est qu'aux balbutiements de son romantisme personnel et qu'il faut tout enrober de codes rassurants. Puisque de nombreuses réactions sont caricaturées pour correspondre aux clichés habituels, on lit bien mieux les angoisses de l'otaku. La romance est aussi factice que peut l'induire un titre aussi humoristique toutefois ce rapprochement vers la puberté donne notamment l'occasion  à l'auteur de développer légèrement plus longtemps le caractère de son personnage principal.

De même, l'utilisation de 2chan, qui n'est pas vraiment claire dans les deux autres récits, est bien introduite. Watanabe étend graphiquement l'univers du forum, en rendant biologiques des réactions informatiques. Il utilise des smileys qui ont pris vie dans un univers médian vide de toute autre forme, à mi-chemin entre la chambrée du densha otoko et les terminaux informatiques de ses collaborateurs internet. C'est une bonne idée pour créer de la proximité entre ses personnages mais à l'inverse, être témoin d'une vie virtuelle d'émoticone nous coupe de l'attachement que nous aurions dû développer pour le casting de second couteaux.

Petit bémol tristounet: les tasses Hermès offertes au garçon du train, précieuses et chères, point de départ d'ébahissement et d'intrigues, qui créent quasiment toute l'histoire, sont içi moches et banales. Ça ne change rien du tout mais c'est un peu dommage de ne pas avoir fait d'effort sur leur représentation.

De la même façon, Densha otoko (le garçon du train, je le précise à nouveau) et Hermès sont les pseudonymes donnés à deux inconnus dont les internautes ont suivit l'histoire derrière leur écran. Il était nécessaire de différencier ces deux anonymes dans ce fleuve de message ininterrompu qu'est un tel forum. Mais nous, les lecteurs, nous suivons pas à pas la progression des deux protagonistes, à leurs cotés. Dans notre usage quotidien du net, ces pseudos apparaissent légitimes mais dans un manga, il faut le justifier. Ne serait-ce que par une ligne de dialogue. Une pensée. Une simple annonce. Une action visuellement reconnaissable. Il faut qu'entre cet homme dont nous partageons la vie et l'iconique densha otoko, la transition soit explicitée, actée. Elle ne l'est pas. C'est un point de détail qui ne nuit véritablement à rien mais c'était pourtant si simple et crucial... tant pis.

À l'inverse, l'auteur a la bonne idée de faire récapituler l'histoire par un de ses personnages en cours de route. Celui ci essaye en effet de résumer à un ami les pérégrinations des deux tourtereaux. C'est plutôt malin, surtout si on tient compte de la densité des rebondissements qu'ils vont vivre.  Enfin, il offre quelques interprétations assez osées, nous renvoyant à la liberté de création que lui offre malgré tout un récit lourdement balisé. C'est couillu, avais-je écrit dans mon brouillon et une part importante de l’intérêt de ce titre. Watanabe replace les seconds rôles au sein d'une histoire en canon, et n'en fait pas la simple 5e roue du carrosse. La double fin informatique et sentimentale fait d'ailleurs spécialement sens.

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Le garçon du train, sois fort garçon!

Daisuke Dôke;Taïfu, 3T, 20€

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Cette dernière version est assez rafraichissante. Et après la lecture des deux titres précédents à la suite, c'est soulageant. Là ou la première était très sensuelle et la seconde très exagérée, celle ci apporte de nouveaux éclairages bienvenus sur l'histoire, notamment en développant le point de vue du personnage principal féminin jusqu'à présent totalement occulté.On y ressent de ce fait bien plus les extrapolations, surtout quand les protagonistes de 2chan déballent leurs vies. Tandis que Watanabe rajoutait carrément des péripéties entières, faisant se mouvoir toute la communauté d'internautes différemment, Dôke se concentre lui sur les backstories.

L'auteur a commis l'infamie de réutiliser des dialogues et scènes absolument identiques à l'autre version parue chez Taïfu (ou peut être est-ce imputable au traducteur) toutefois si vous ne lisez que celle-ci, cela ne devrait pas vraiment vous choquer. Il se mélange aussi un peu les pinceaux sur certaines chronologies de faits établis logiquement immuables. Ces décalages temporels se révèlent finalement assez mineurs, rehaussant plutôt une toute autre vision des évènements.

Un très bon point qu'il est impossible de relever à la lecture des deux autres séries: le garçon du train est réellement moche. Comme dans la version drama. Et bien que durant les premières pages, ça choque carrément notre sens esthétique et notre incessante recherche -socialement induite- du beau, l'auteur est finalement le seul à arriver à exprimer un des messages fondamentaux de cette histoire. L'otaku qui voit sont rêve amoureux lentement se réaliser, se transcende grâce à ses efforts et à sa rigueur mentale. Il n'est pas un "beau qui s'ignore" cher aux adolescents qui fantasment sur leurs transformations physiques à venir ou aux paresseux de la mode. Il n'est pas un délabré par simple manque d'attention corporelle, un homme à qui il suffit d'une nouvelle veste et d'un peu d'assurance pour devenir Georges Clooney.

Il casse efficacement, comme le voulait à l'origine toute cette histoire, le mythe du vilain petit canard qui se transforme en cygne par action divine. Grâce à ses efforts, grâce à cette certaine forme de courage qu'il montre pour surmonter sa timidité, il devient quelqu'un qui n'est plus repoussant a priori et qui séduit, non pas par son aura physique soudainement flamboyante mais par son humanité et toutes les qualités dont il ne pouvait faire montre précédemment. C'est quand même plus honnête et plausible.

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TL;DR?

Le garçon du train est une histoire emblématique du début du siècle qui tombe déjà en désuétude.  Elle porte en elle les bourgeons d'un grand classique romantique que de nombreux auteurs ont fait pousser de manières différentes, obtenant des buissons de fleurs sentimentales distinctes. Chaque fragrance se vaut, il faut juste que vous sachiez ce que vous avez envie de sentir. Plus mature pour le premier, plus bourru pour le second et plus transversal pour le troisième. Et peut être bien que le coté OGM des transplants du tendre matériau qui est à la base de densha Otoko a contribué à épuiser l'intérêt du public à un rythme bien plus rapide que la normale. Lesdits buissons ont beau ne plus être ardents, votre lecture devrait continuer à l'être encore un peu dans nos rayons grâce aux packs de ces séries introuvables.

Pour vous féliciter d'avoir lu jusqu'au bout, voici un petit cadeau: Lors de votre achat d'un pack de densha otoko (n'importe quelle version) chez nous, nous vous ferons 5 € de réduction sur nos packs séries complètes de  G. Gokudo girl ou de Regatta. Allez, c'est le moment de découvrir le travail d'Hidenori Hara.

Et si un jour vous avez besoin d' "aide pour concrétiser vos histoires, vos coups de foudre ou plus généralement", rappelez vous que l'esprit densha otokoa fait bien des émules.

 
UN ÉTÉ INDIEN DE MANARA : LE PORTFOLIO
 

Chaleur, Amérindiens et incestes...

En 1987, en marge de la sortie de l'album événement qui fut la première collaboration d'Hugo Pratt et de Milo Manara, Un été indien, les Éditions del Grifo proposèrent un portfolio sur le sujet, tiré à 999 ex. Il comprend 10 illustrations couleurs de Manara en grande forme. Chaque planche est numérotée et paraphée par le maître. Une seule porte la signature complète. Cet exemplaire siégeant rue Dante porte le n°338/999. Préface de Hugo Pratt.Nous le vendons 220 €. Ce n'est pas trop.

 
COMICS & STORIES DE DARROW
 

J'ai très peu de temps pour vous présenter l'arrivage luxueux de cette belle journée rue Dante.Commençons par une folie des éditions Aedena. Nous sommes en 1986 et voici Comics and Stories, du maniaque du détail Geof Darrow. Le contenu de cet ouvrage fut réédité en plus petit par les éditions Delcourt en 1995, sous le titre Bourbon Thret. L'édition originale présente l'avantage du format (26 x 36,5 cm) et des planches qui se déplient. De plus ce que nous présentons aujourd'hui, c'est la version tirage de tête, avec numérotation, signature, couverture alternative et surtout le supplément, le Darrow Magazine qui contient les contributions amicales d'une vingtaine de dessinateurs (parmi lesquels Mœbius et Franquin).Ce tirage en excellent état porte le numéro 478/750 et est à vendre pour 220 €.