ANGUILLE ET MORTIFICATIONS
 

A toi, Auteur que nous n'avons pas su reconnaître convenablement, nous rendons hommage. 10 bonnes minutes après ton passage à la boutique, Lady Stardust a trouvé et Alecs, qui fut ton interlocuteur, a tilté. 10 bonnes minutes trop tard et il ne reste que la frustration à ce pauvre Alex qui conseille ta BD avec ferveur à chaque fois qu'on lui en donne l'opportunité.

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A toi, Valentin Seiche, auteur d'Anguille et baldaquin..

"Revieeeens, reviens, revieeens" pourrez vous entendre doucement entre les rayonnages aujourd'hui tandis que les échos des suppliques d'Alecs s'estompent douloureusement.

 
IL Y A DE L'IDÉE
 

"-Bonjour monsieur, où sont vos crayons?

-Mhhhh, j'ai bien peur monsieur que nous soyons spécialisés dans la bande dessinée. La fin de l'itinéraire du crayon, en somme.

-pourtant j'ai vu marqué crayons dehors."

Nous allons voir et...

"Aaapoum Bapoum, gros rayon occasion & petit prix"

Pas loin.

 
1994 : LA FIN DES TEMPS !!!
 

Sirius... Voilà un pseudonyme qui sonne comme une invitation au voyage intersidéral ou comme un nom de prophète, voir de thaumaturge.

On imagine qu'il s'agit a priori d'un disciple de Nostradamus, de Cagliostro ou de Copernic,  et non pas d'un auteur de bandes dessinées. Cette signature énigmatique – celle en réalité de Max Mayeu – fut pourtant apposée sur quelques séries mémorables, notamment sur L'Épervier bleu,  Pemberton et l’édifiante saga des Timour.Les Timour... Mais c'est quoi au juste les "Timour" ?

Hé bien ami aaapoumien, il s'agit d'une série très originale en trente deux albums, qui remonte le cours de l'histoire à travers les aventures d'une famille. L'odyssée commence avec La tribu de l'Homme rouge  ("La Horde de Timour" et "Le Grand feu des Timour"-  dans Tintin de 1953 à 1954) pour se conclure quelques millénaires plus tard avec Le fouet d'Arafura.

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Mais en 1994 sort un ultime album comprenant de courtes histoires (dont la dernière restera inachevée) : il s'agit de La fin des temps. Avec Les traîneurs de sabre et Le fouet d'Arafura, cet album fait parti du trio infernal pour tout collectionneur et inconditionnel des Timour. Infernal parce que rare, et rare parce que tiré à un nombre d'exemplaire réduit.

Aaapoum Dante dispose d'un exemplaire en parfait état de La fin des temps. Nous avions aussi il y a peu, Les traîneurs de sabre mais notre spécimen a trouvé preneur avant que nous n'éditions cette brève.

La fin des temps par Sirius (1994)48 pages couleurs,Éditions Dupuis,Prix Aaapoum : 80 euros (état TBE).

 
L'ÎLE INFERNALE DE YÛSUKE OCHIAI
 

Une série B concise et efficace qui va droit au but sans abandonner les qualités du manga.

Un grand nombre de clients entrés dans l'âge adulte, voyant leur temps disponible et leur durée de vie restante s'effilocher, nous demande souvent des conseils sur des séries mangas courtes. Nous sommes régulièrement dans l'embarras, car dans le domaine du manga, exceptées les histoires complètes ou les nouvelles du style gegika, nous avons peu de choix en purement distractif, étant donné qu'une série courte signifie souvent une série dont le succès était trop relatif pour que l'éditeur juge opportun de pousser l'auteur à la poursuivre. Cependant nous avons parfois quelques exceptions. Ainsi cette Île infernale d'un inconnu, Yûsuke Ochiai...

Une nouvelle fois le confinement insulaire, motif récurrent dans la fiction d'aventures et particulièrement dans la productiuon nippone, est au cœur de l'intrigue. Sans perdre de temps on apprend que la peine de mort ayant été proscrite la justice japonaise envoie désormais les criminels endurcis dans une île, surnommée "l'Île infernale", où ils se débrouillent tranquillement entre psychopathes. Le héros, Mikoshiba, un colosse ombrageux à la belle chevelure et au visage assez gracieux malgré son air renfrogné, s'y retrouve expédié pour le meurtre de cinq personnes. Il semble qu'il en soit ravi car il cherchait précisément à y aller... pour retrouver quelqu'un. Amitié ? Soif de vengeance ?Nous n'avons pas le temps de nous poser de trop de questions, ni nous, ni son faire-valoir, un petit truand volubile et peureux débarqué en même temps que lui... Ça cartonne assez rapidement dans tous les sens, les autochtones se dévoilant aussi féroces que prévu.

On découvrira bientôt une ville, une organisation ultra-hiérarchisée et sectaire, construite autour d'une figure féminine déifiée et de combats dans une arène (Mikoshiba n'y coupera pas, chic !), mais aussi de mystérieux scintifiques et des manipulations génétiques... Voilà un récit rythmé, construit autour de motifs familier mais qui finit par surprendre par la force de son intrigue et l'habilité de ses rouages. Certes il comporte sa dose d'invraisemblance et de naïveté politique, son final est un peu accéléré et décomplexé, mais tout de même ! Les récits de série B menés avec une telle concision et une telle efficacité sont rares. Car l'auteur boucle tout en trois tomes, là où d'autres auraient délayés pendant des plombes. OCHIAI Yûsuke balance toutes ses idées pour produire une intrigue haletante et inventive, alors qu'il aurait pu les économiser. Contrairement à beaucoup de  séries courtes, celle-ci ne laisse pas un sentiment d'insatisfaction (rappelez-vous le final pourri de Blue Heaven par exemple, pour rester sur des séries de trois tomes !), tout au plus un léger sentiment de frustration devant la fin d'un plaisir. Une telle générosité ne peut être le fruit que d'un jeune auteur, pas encore rendu matois par l'expérience. Bravo et merci aux éditions Komikku d'avoir traduit ce titre.

Mis à part l'unique pack des trois tomes en occasion vu en magasin ce matin (15 € au lieu de 23,70 € en neuf) nous ne disposons d'aucun stock sur cette série. Aussi dépêchez-vous ou achetez-les en neuf dans le circuit habituel, ce qui est toujours bon pour les libraires et les éditeurs.

L'Île infernale de OCHIAI Yûsuke, 3 tomes chez Komikku. 2009-2010 au Japon, 2012-2013 en France.codes EAN :97910916100019791091610094 9791091610131

 
LES ARCHIVES DE BD Trésor n°2 : GENNAUX et FORTON
 

Après un premier numéro sur Remacle, Les archives de BDTrésor (éditions De Varly en lien avec le site BD Trésor) continuent leur travail de mise en lumière des artistes méconnus de la BD franco-belge. Ce numéro met à l'honneur le travail de Serge Gennaux. Surtout connu pour L'homme aux phylactères et ses planches expérimentales, explorant les propriétés du médium, ce pré-oubapien belge se confie sur une vingtaine de pages. Christian Jasmes le fait parler de ses débuts, de son passage dans l'atelier de Tillieux, de son travail sur les Télé-graphistes, série illustrée par Jamic caricaturant la télévision belge d'alors... Un dossier abondamment illustré (ce qui ne veut pas dire vide) qui permet d'en apprendre un peu plus sur les coulisses du Journal de Spirou et sur des auteurs peu familiers des lecteurs français.

Ce numéro est complété par un article sur les Tintins antérieurs à celui de Hergé : le Tintin-Lutin de Benjamin Rabier et le Tintin des éditions Offensdadt, un gamin facétieux qui fut pas mal utilisé par Louis Forton, la figure totémique des éditions De Varly. Une vingtaine de planches de Forton complètent d'ailleurs l'article.

Pour finir vous trouverez un texte de Sergio Slama sur l'état du marché de la BD et un article de Georges Fernandes sur la censure dans Lucky Luke, intéressant mais qui mériterait d'être creusé. Si la fin du Lucky Luke T.6 : Hors-la-loi est différente dans sa version dans la collection Gag de Poche, peut-on avancer que cette dernière est la version initiale, le Gag de Poche n°24 étant paru en 1964 et l'album en 1954 (parution dans le journal de 1951 à 1952) ? La version Gag de poche reprend l'idée initiale des auteurs, refusée alors par crainte de la censure, mais elle reste toutefois postérieure, sauf si Morris a précisément remonté la planche de 1952 pour la version de 1964... Quelqu'un a les originaux pour vérifier ? Quoi qu'il en soit, il est très intéressant de constater que plus de dix ans après, cette affaire de censure n'avait toujours pas été digérée par le créateur de Lucky Luke. Il faut dire que l'air du temps soufflait alors à un certain cynisme sur les terres du western, avec la sortie de Pour une poignée de dollars de Sergio Leone en Italie. Sur ce sujet, voir aussi sur le site BD oubliées.

Ces secondes Archives de BD Trésor sont naturellement disponibles chez Aaapoum Bapoum, dans la limites des stocks disponibles (assez faibles), son prix est de 10 €. 62 pages, broché. Code EAN : 9782822800273. Si vous voulez les acheter par correspondance, autant aller directement sur la boutique de BD Trésor.

 
GASTON 8 : QUELLE EST L'EO ?
 

Voici pour mémoire et pour le bon usage des collectionneurs une trouvaille qu'a faite mon collègue Anton. Alors que nous rangions le rayon Franquin de la rue Dante, Anton remarqua qu'il y avait deux quatrièmes plats différents pour ce que nous avions identifiés comme deux éditions originales du huitième recueil de gags de Gaston, Lagaffe nous gâte.

J'ai fait part de mes remarques et inquiétudes sur le forum BDgest il y a peu, mais je n'ai pas pour l'instant obtenu de réponses satisfaisantes.  Aucune des deux éditions ne porte la mention de l'existence de Du Glucose pour Noémie dans le catalogue des pages intérieures. Pour le BDM, l'absence de cette mention suffit à identifier l'édition originale. Force est de constater que nous avons ici deux éditions qui semblent dater de la même époque et qui ont des maquettes différentes, comme vous pouvez le vérifier sur la photo suivante.

Gaston 8 EO DL

Gaston 8 EO DL

Gaston 8 EO pages de gardes

Gaston 8 EO pages de gardes

Autre différence notable : la couleur des pages de gardes.

Toutes les deux sont imprimées en Belgique, marqués 1970. Celle qui est en haut sur les photos précise les centres de diffusion pour la Belgique et la Hollande en plus du site français du Boulevard Saint Germain à Paris, ce qui pourrait laisser penser qu'un tirage était plus précisément destiné à la France tandis que l'autre aurait plutôt été orienté vers le nord... Mais rien n'est sûr. Voilà, toute précision ou idée est bonne à prendre, n'hésitez pas à nous écrire. En tous cas nous avons actuellement ces deux "éditions originales" à vendre, pas dans des états rutilants, mais corrects tout de même.

 
SERAPHIM – '266613336WINGS' de MAMORU OSHII et SATOSHI KON
 

Comme je ne suis pas très érudit en ce qui concerne la production nippone, le premier mérite du livre paru le mois dernier chez IMHO fut, par son existence même, de me faire découvrir que deux pointures de la japanimation, Mamoru OSHII (Patlabor, Ghost in the Shell, Avalon...) et Satoshi KON (Perfect Blue, Tokyo Godfathers, Paranoïa Agent, Paprika...) avaient travaillé ensemble. Non pas sur un film, donc, mais sur une série en BD. Il faut l'écrire tout de suite : cette fiction n'est absolument pas terminée et ne le sera jamais. Les postfaces, instructives, restent cependant peu disertes sur les raisons réelles de la rupture et de l’inachèvement.

D'abord uniquement crédité de la partie graphique, Satoshi Kon finit par signer l'ensemble tout en conservant la mention "sur une idée originale de Mamoru Oshii". L'œuvre fut prépubliée dans le magazine Animage entre mai 1994 et novembre 1995. Éditorialement, le projet semble conçu pour combler le vide laissé par la fin de Nausicaä de Miyazaki, dans le même magazine. De fait Seraphim se situe stylistiquement et thématiquement à l'intersection de Nausicaä et d'une autre série, commencée dans le magazine Afternoon en 1997, c'est-à-dire après l'arrêt de Seraphim : Eden, It's an Endless World ! de Hiroki Endo, éditée en France chez Panini.

De Nausicaä on retrouve un personnage féminin central, situé entre l'enfance et l'âge adulte, au rôle messianique affirmé, et des manifestations incontrôlables de la Nature, semblant réaffirmer ses droits après la dévastation. L'épidémie ravageant l'humanité, le dessin précis, l’atmosphère apocalyptique, les jeux de pouvoirs des triades et une certaine fascination pour les technologies guerrières préfigurent quant à eux l'œuvre de Hiroki Endo.

Le récit met un peu de temps à se mettre en place, démarre de manière un peu ennuyeuse, les informations sur l'univers arrivant plus vite que les actions des protagonistes, et ce n'est que vers la page 120 que l'on se sent réellement entraîné. Sur un récit de 220 planches, ce genre de défaut serait rédhibitoire, mais pas pour le démarrage d'une longue épopée, à laquelle les auteurs nous préparaient. En effet, le parcours des trois Rois mages de service (au rang desquels un basset géant) et de l'Enfant messie devait traverser la Chine, morcelée et en proie aux guerres, et la Sibérie, pour se rendre "au plus profond du continent eurasiatique". Au vu du rythme du récit, de la dose de mystères à exploiter et de diverses intuitions, on peut pronostiquer que l'histoire entière aurait été au moins trois fois plus longue. Au final la frustration du lecteur est bien là, mais pas aussi forte que l'on eût pu s'y attendre. En effet, prévenu dès le départ, on peut se laisser porter par le moment présent du récit avec un certain détachement contemplatif pas du tout désagréable. Le dessin réaliste de Satoshi Kon, tout à fait apte à attirer les non-amateurs de produits japonais préalablement conquis par Otomo, se prête assez bien à ce mode de lecture. Le découpage toutefois est assez inégal: si certains passages sont un régal, le recours à la micro-ellipse nuit parfois à la lisibilité de certaines scènes d'action.

L'objet édité par IMHO est plaisant, notammant grâce au travail de maquette de Vincent Montagnana. Poster, planches de croquis et postfaces, belle prise en main et toucher agréable, on n'a pas à se plaindre.Trois défauts néanmoins sont à signaler, sinon nous ne serions plus les chieurs pointilleux que nous affectionnons paraître :• Si nous sommes ravis d'avoir un poster en encart et des pages couleurs en introduction, il faut bien déplorer que ces dernières moirent, si ce n'est méchamment, du moins de façon gênante.• Une interversion de l'emplacement de deux récitatifs vient gâcher une citation de l'Évangile de Luc en page 018.• L'absence de rabats rend extrêmement fragile le délicat pelliculage mat de la couverture : après quelques manipulations et transports, même soigneux, il a tendance à se décoller aux angles.

Au final, un ouvrage que l'on recommandera aux amateurs de l'un ou l'autre des auteurs et aux maîtres du jeu en recherche d'inspiration pour leur campagne de jeu de rôle futuriste, qui trouveront ici matière à développer leur inspiration et pourront conclure à leur manière cette aventure de fin du monde inachevée.

 
LECTURES DE VACANCES
 

En vacances, on peut lire, c'est merveilleux.

Les Tuniques Bleues n°57 : Colorado Story de Lambil et Cauvin, DupuisC'est fou, la précédente fois que j'ai lu un Tuniques Bleues, c'était le n°53. Tu as à peine le temps de te retourner, d'installer deux trois étagères, et voilà que Lambil et Cauvin ont déjà pondu quatre albums. Je ne me rappelle plus du tout du contenu de Sang bleu chez les bleus mais je me souviens de m'être fait la réflexion que le dessin de Lambil n'avait pas bougé. Quatre ans plus tard on ne peut plus dire la même chose. Une grosse fatigue s'est abattu sur le vieil artisan et ici chaque vignette semble être un agrandissement d'un morceau de case du temps passé : trait un peu bancal, gras, composition malhabile, absence de détails, impression de vide. L'album se lit cependant sans difficulté et on le referme avec l'impression qu'il ne s'est pas passé grand chose. Longtemps annoncée, l'aventure n'arrive jamais. Ce n'est pas forcément un mal puisque des aventures, les deux bas-gradés fédérés en ont déjà vécues pas mal.Cette quasi-absence d'action et de rebondissements me laisse assez rêveur.

S'il n'y avait cette fameuse péremption des corps vivants, on pourrait imaginer que Lambil et Cauvin continuent ainsi pendant des siècles. Et qu'à chaque tome, insidieusement les deux compères se décalent progressivement et de manière quasi imperceptible du schéma initial. Spéculons : au 25e siècle, Cornélius Chesterfield et Blutch passeront des albums entiers à ne presque rien faire, cantonnés dans un fort. À la page 7 ils se lèveront pour aller saluer le drapeau "— Debout ! bête feignasse !", "— Je vois briller une telle exaltation dans votre œil bovin que je vous cède le passage avec plaisir, Sergent". Page 26 ils se rendront à la cantine : "— Alors Cornélius, vous n'avez pas faim ? Vous rêvez encore à Miss Applet..." scrognnntudju.

Ainsi petit à petit, les anti-héros de la guerre auront glissé dans un espace théâtral becketto-brechtien où le décor ira en s'effaçant, jusqu'à disparaître dans un nuage cotonneux. Réduits à l'état de spectres bégayants ils se rendront parfois compte qu'ils sont morts depuis longtemps. Ils se disputeront alors pour savoir depuis quelle aventure ils sont décédés, depuis quel moment a démarré ce changement d'état ?

Scalped tome 9 :  À couteaux tirés de Aaron et Guéra, Urban comicsJ'ai bien essayé de le faire durer celui-là, sachant que le tome 10, à sortir en février, serait le dernier de ce magnifique feuilleton. Aussi je me suis souvent arrêté, à la fin de chaque chapitre, je prenais le journal, j'allais jouer aux petites voitures, mais rien à faire, j'ai fini par le terminer. Excellent, sauf un chapitre assez inutile en début de recueil, correspondant au n°50 des fascicules originaux. Quand ils arrivent au 50e numéro, les étatsuniens se sentent obligés de fêter ça, alors ils invitent tout un tas d'artistes extérieurs à venir célébrer leur durabilité. Si la première partie de cet épisode 50, avec ses détails parfaitement horrifiques sur la technique du scalpage est très bien, si le choix d'Igor Kordey comme partenaire est assez naturel, les pleines pages signées par d'autres artistes (dont Jordi Bernet et Steve Dillon) sont assez inutiles. Mais cessons de pleurnicher pour quelques planches : eussions nous attendu un long mois comme les lecteurs initiaux pour avoir la suite, que la grogne eût été justifiée, mais nous avons eu bien des pages pour être, non pas satisfaits, mais transportés avec bonheur et angoisse. Un tome extrêment dense en rebondissements et action. Trahisons, revirements, surprises... Le rythme s'accélère dans la réserve Lakota de Prairie Rose (!) et cette magistrale série approche de sa conclusion, qu'on présume noire tant tout ce qui nous a été donné de traverser était loin du Village dans les nuages. À mon avis cette série est ce que les États-Unis ont produit de mieux, avec Locke & Key, depuis une décennie.

Baby-sitters tome 1 de Hari Tokeino, GlénatOn change totalement de registre pour cette série cherchant à se placer sous le dogme du "mignon". Ryuchi, un ado bien élevé et bienveillant, et son tout petit frère Kotaro, ont perdu leurs parents dans un accident. Désormais ils sont l'un pour l'autre leur seule famille. Oui, la larme vous vient à l'œil... C'est le principe. Les grosses ficelles de l'émotion sont ici fortement agitées. Ryuchi est même victime d'injustices (plutôt mineures) récurrentes. Ce brave gars n'en veut jamais à ceux qui le bousculent, au contraire, ils les comprend. Ryuchi et Kotaro sont donc accueilli pas la directrice d'apparence acariâtre d'une université. Vous avez bien noté le "d'apparence". Elle confie à Ryutaro un emploi de surveillant dans la crèche sise au sein de l'établissement, la crèche qui accueille donc les bébés des professeurs et du personnel. Grand frère idéal et attentionné, Ryutaro est un excellent choix pour ce poste. Les bébés sont ici traités comme des créatures d'une espèce presque distincte de l'humanité. Supposés extrêmement mignons, ils sont aussi très chauds et volontaires et ils ne font pas beaucoup caca. Il est un peu trop tôt pour se faire une opinion tranchée sur cette série. C'est souvent un peu balourd, mais j'ai été parfois ému. Il faut dire que je pleure devant la Petite maison dans la prairie, moi.

Btooom! tome 11 de Junya Inoue, GlénatNouvelle rupture de registre, avec la suite de ce shonen-up bien sanglant. Forcément, quand tu n'as que des grenades pour te défendre contre d'autres tordus, ça change un peu de la bataille de polochons. Là aussi on s'approche bien de la conclusion, ou du moins d'un cap important dans le développement de l'histoire. Ryota continue à se débattre pour constituer une équipe afin de mener à bien son plan d'évasion de l'île, mais le Dr Daté est décidément une véritable ordure. Les enjeux tactiques sont toujours clairement exploités dans cette série B tout à fait lisible. Les motivations des méchants organisateurs sont un peu moins convaincantes, mais on ne blâmera pas l'auteur de tenter d'inclure son aventure insulaire dans un cadre géopolitique anticipatif plus large. D'ailleurs un shonen-up supervisé par le Monde diplo serait sans doute moins distrayant. Enfin, dans la mesure où voir des êtres humains déchiquetés par des bombes puisse vous distraire. L'auteur développe d'ailleurs un peu sa réflexion et sa mise en abyme du spectacle, faisant de Btooom ! une curiosité hésitant entre voyeurisme et moralisme et dévoilant Junya Inoue comme un lointain descendant de Sam Peckinpah.Bonne fin d'année 2014.

 
DANS LES CORDES DE JAMES VANCE ET DAN E. BURR
 

Dans les années 80 le dramaturge étatsunien James Vance se tourna vers la bande dessinée pour raconter, à travers les mésaventures d'un adolescent, l'histoire violente et douloureuse de la Grande Dépression des années trente : c'était Kings in disguise . En France ce roman graphique fut traduit chez Vertige Graphic en 2003 sous le titre Les Rois Vagabonds. Ce récit, servi par le dessin un peu raide mais précis et investi de Dan E. Burr marqua durablement ceux qui s'y plongèrent. Voilà que des années après les auteurs nous offrent la suite de cette histoire.

Dans les cordes (On the Ropes en VO) est en fait le développement d'une pièce que James Vance avait écrite il y a bien longtemps. Quelques années ont passé. Le personnage central des Rois Vagabonds, Fred Block, a grandi et a souffert. Il a finit par rejoindre un cirque ambulant. Ce cirque fait partie d'un programme de la WPA, la Works Progress Administration, une initiative du New Deal visant à créer des emplois tout en divertissant les populations appauvries. Comme on ne va pas tarder à l'apprendre, cette activité nomade est idéal pour le jeune homme qui peut ainsi couvrir ses activités clandestines au service du mouvement ouvrier. La lutte des classes est très violente aux États Unis où le gouvernement et le patronat ont toujours été très vigilants à ne pas laisser se développer un syndicalisme radical. Depuis le dix-neuvième siècle les militants syndicaux en ont fait les frais. Les anarchistes, puis les communistes, furent sévèrement réprimés, par les forces de l'ordre ou par des organisations paramilitaires aux services des grandes entreprises (comme par exemple la fameuse agence Pinkerton) : intimidation, tabassage, emprisonnement, assassinat...

Tous les moyens étaient bons, avec cette violence frontale dont l'histoire des États-Unis est gorgée. Inscrivant leur récit dans ce contexte, les auteurs nous livrent une œuvre ambitieuse où le roman social se mêle au polar et à la description du monde du cirque. Les personnages ont une profondeur qui ne surprendra pas les lecteurs du premier opus et qui permet de dérouler de longues scènes de discussion, où les caractères et les expériences s'affrontent, sans que l'ennui ne puisse pointer son nez. Les 28 € que l'on peut investir dans ce livre ne seront pas gaspillés tant la lecture est roborative. Un bon week-end est nécessaire pour en venir à bout, alors imaginez que vous la coupliez avec les Rois Vagabonds : que du bonheur.

C'est donc aujourd'hui que nous sommes autorisés à mettre en vente cet ouvrage. Ne vous fiez pas à sa couverture, assemblage malheureux de 5 vignettes tristement colorisées. Le contenu est réellement excellent et le dessin de Dan E. Burr, malgré quelques rigidités – qui collent assez bien à l'âpreté de la période – possède la précision nécessaire pour rendre les différentes émotions qu'affrontent les protagonistes.

Dans les Cordes, de James Vance et Dan E. Burr, Vertige Graphic, 264 p. n&b, 28€. Code EAN : 9782849991138

 
3 PALETTES DE "NOUVEAUTÉS"
 

Le temps me manque pour vous décrire précisément et mettre en valeur le dernier arrivage de vieilleries sympathiques qui nous est arrivé cette semaine.

1,8 T de livres, d'après le bordereau du transporteur.

Du coup je vous propose une petite visite en photographies, vaguement commentées, comme une vieille séance diapo un peu soporifique.

Les étatsuniens :

Les scouts :

L'arthurien :

Le reste en vrac :

Les escaliers menant au sous-sol ont été réquisitionnés :

 Haha ! Vous pensiez que tous ces titres avaient rejoint les cimetières du neuvième art, et bien non, ils reviennent ! Et encore je ne vous ai pas tout montré.