Il y a quelques semaines les étals étaient encore submergés par les nouveautés... Dans un mois ça recommencera, encore pire qu'avant. Les lecteurs ne sauront pas où donner de la tête, et les libraires ne sauront pas quoi conseiller, occupés qu'ils seront à trouver de l'espace entre les piles de nouveautés pour mettre de nouvelles piles et à préparer des cartons avec les nouveautés de la veille pour les renvoyer à l'éditeur. Sauf que là, en ce début de mois d'août, il n'y a pas grand chose de neuf à se mettre sous les yeux, en tous cas en bande dessinée européenne. C'est l'occasion pour revenir sur un titre sorti en mai et dont je ne vois pas la pile baisser chez mes voisins d'Album Saint Germain. C'est dommage car c'est un bon album. Il s'agit de Plein les yeux de Keko publié aux Editions de l’An 2.
Il faut dire que sa couverture française est dissuasive et ne reflète en rien la richesse de ce cauchemar graphique, sorti de la plume d’un quasi inconnu avec un nom ridicule. Un cousin espagnol de Mezzo et de Charles Burns qui révèle la contamination culturelle de la société par les images. Omniprésentes, elles façonnent et modifient l’individu, sont à la fois la sclérose en plaques et l’exhausteur de goût de l’environnement. Et l’intrigue policière modeste de Keko, au final, s’attache à explorer nulle autre chose que cette maladie.
Dans un commissariat, un homme est interrogé sur ce qu’il a fait la veille. Un dispositif narratif de récit dans le récit assez classique, mais dont la bichromie somptueuse de noir et de rouge magnifie la folie intérieure du protagoniste. Un mal qui explose dès l’ouverture, et enclenche une longue odyssée hallucinée de références visuelles, parfaitement justifiée par l’histoire : le personnage principal est un documentaliste attaché à collecter des « ressources graphiques » sur les fifties : affiches, photos, publicités, films…